MARIANNE LESSARD
INTERVIEW MARIANNE LESSARD - 13 AVRIL 2023
Cela fait longtemps que je pense à Marianne alors que je la connais à peine. À la rentrée de septembre, au moment de l’appel à projet auquel elle participe en tant que membre du jury Cinéma et Musique, nous n’arrivons pas à nous voir pour l’interview. Il faudra attendre que nous nous retrouvions par hasard à un déjeuner Wise Women pour faire l’interview sur un coin de table, entre café et addition à partager. Fin de l’année, je gère l’essentiel avant les vacances. Janvier, rédiger l’interview apparaît sur ma to-do mais le mois est intense. Février, Marianne revient de semaine en semaine sur ma liste, les Fashion Weeks m’accaparent. Mars, Marianne entame son troisième mois sur mon bureau, on se croise au dîner Wise Women, je suis un peu gênée, elle pas du tout. Finalement je retrouve le plaisir d’écouter Marianne le 31 mars et découvre avec effroi que mon enregistrement a…cinq mois !
Comment as-tu connu Wise Women ?
Grâce à Marie Schneier, j’ai participé en mai 2022 à un premier et super diner chez Valentine Gauthier. Il y avait beaucoup de femmes du monde de l’art, je me suis interrogée sur ma présence, mais j’ai compris qu’il y avait une volonté d’ouverture et de croiser les disciplines, d’avoir une multitude de profils et que tout pouvait se nourrir. Ça m’a plu, je suis très curieuse. C’est l’ADN de mon métier.
Qu’attends-tu de Wise Women ?
Des rencontres, le cœur de ce que j’aime, l’humain !
Comment as-tu appréhendé ta participation au jury Cinéma et Musique de l’appel à projets ?
Je me suis donné une méthode. J’ai parcouru tous les dossiers pour avoir une vision d’ensemble. Puis j’ai eu une lecture détaillée de chacun avec un prisme : je me suis interrogée sur ce que je pouvais apporter à chaque projet, sans jugement sur leur travail mais en pensant à l’aide que je pouvais leur procurer.
Qu’est-ce qui t’a frappée dans les projets ?
Il y a une évidence, une aisance, c’est très inspirant. Elles ne s’excusent plus.
Raconte-moi ton parcours.
J’ai fait des études de lettres, j’ai d’abord travaillé dans l’édition mais j’avais envie d’aller au contact des gens, de voyager, de tourner. J’ai été réalisatrice de documentaires, de reportages, toujours dans la culture, architecture, design…
Aujourd’hui je suis rédactrice en chef et productrice de l’émission quotidienne « L’invitation au voyage » sur Arte.
Marianne est une grande lectrice, je m’empêche de partir en longues digressions sur ce sujet.
Quelle place a l’écriture dans ton travail ?
L’écriture est au cœur de mon activité, j’aide les réalisateurs à nous raconter une histoire. Le récit, le storytelling est vraiment mon métier et ce que j’aime faire. Donner un souffle épique à des histoires. On aime tous qu’on nous raconte des histoires et moi j’aime les raconter.
Dans les métiers de la télévision et de la production, c’est un sujet d’être une femme ?
Non parce que j’ai toujours évolué dans la culture donc dans un univers assez féminin finalement. Mais j’ai remarqué et je le vois encore aujourd’hui : le salaire, les négociations et les revendications sont plutôt du côté des hommes, comme une évidence pour eux et moins pour les femmes.
Tes trois coups de cœur artistiques récents ?
L’exposition Kimono au Quai Branly (jusqu’au 28 Mai, par chance le conseil donné par Marianne en novembre est toujours d’actualité) : le kimono dans la mode, très instructif avec une scénographie très belle. Pour les amateurs de textile et de matières, c’est fascinant.
On y apprend d’ailleurs que c’étaient les hommes les figures de mode puisque dans le théâtre c’étaient les seuls acteurs, les femmes étant interdites de théâtre. C’est eux qui posaient dans les estampes puis dans les journaux, ils étaient devenus des gravures de mode, les femmes s’habillaient comme les hommes qui s’habillaient en femmes. À notre époque où on cherche de la fluidité entre les genres, ça m’a amusée de voir qu’ils y avaient déjà une forme de fluidité dans le Japon du 16ème/17ème siècle.
Le film Aucun Ours du réalisateur iranien Jaraf Panahi, film très riche avec beaucoup de thématiques différentes dont celui, éternel, de la frontière. Ou encore Eternal Daughter de Joanna Hogg avec Tilda Swinton, un film très anglais par ses dialogues et par l’élégance des relations entre une fille et sa mère, un huis clos délicat plutôt gothique !
Trois femmes que tu aimerais rencontrer ou que tu aurais aimé rencontrer ?
Virginia Wolf, Marguerite Duras, Annie Ernaux : soirée au coin du feu avec les trois et je peux mourir après !